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Courrier du CAC au ministère
Secrétaire d’État chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire, auprès du ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique
139, rue de BERCY 75012 PARIS
Madame la Ministre,
Le 15 mars 2016 vous annonciez le lancement par le gouvernement du premier appel à projet d’une durée d’un an pour des « contrats à impact social », variante « française » des « social impact bonds » du G8.
Le Collectif des associations citoyennes, Avenir Educs et leurs partenaires ont pris le temps d’analyser le texte de l’appel à projet ainsi que les premières opérations susceptibles d’être financées par des « contrats à impact social » présentées lors de la conférence de presse du 15 mars par l’Institut de l’entreprise et le Mouves. Vous trouverez ci-joint la brochure contenant ces analyses.
Nous y faisons plusieurs observations importantes quant aux principes des « contrats à impact social » :
1) La notion d’impact social n’est nulle part définie clairement, ni dans l’appel à projet ni dans le rapport sur « L’investissement à impact social » remis le 25 septembre 2014 à Madame Carole DELGA (alors secrétaire d’Etat chargée de l’Economie sociale et solidaire), ni dans les projets proposés le 15 mars. En revanche l’impact financier, à la fois en terme de coûts pour la collectivité publique et de profits pour les financeurs et les intermédiaires apparait lui nettement dans les analyses des expériences étrangères qui servent de modèle au projet du gouvernement.
2) Le premier argument mis en avant pour promouvoir les SIB, repose sur le l’idée qu’en période de pénurie d’argent public, faire appel à des financements privés dans le domaine social serait une solution innovante. Les Contrats à impact social ressemblant comme deux gouttes d’eau aux partenariats publics privés dont le Sénat dans un rapport du 16 juillet 2014, a souligné les dérives, « l’innovation » en question ne nous parait ni opportune ni innovante. Dans les conditions actuelles innover serait plutôt lutter effectivement, tant au niveau national que de l’Union européenne, contre les évasions et optimisations fiscales de toute nature, ce qui renflouerait les finances publiques et permettrait sans difficulté à l’Etat social de faire face à ses responsabilités.
3) Contrairement à ce qui est affirmé par les promoteurs des Contrats à impact social, en dernière analyse, c’est bien la puissance publique et non les investisseurs qui supportent les risques, à la fois le risque financier et le « risque social » pour reprendre les expressions en miroir de l’appel à projet.
Pour toutes ces raisons et quelques autres que vous trouverez dans la brochure jointe, s’aventurer vers des « contrats à impact social » nous apparait comme une fuite en avant engagée sous la pression de lobbies qui y voient là un intérêt surtout financier immédiat à réaliser.
Par ailleurs, nous tenons à rappeler que le Haut Conseil à la Vie Associative (HCVA) -dans son rapport du 2 mars 2016- et l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) -dans son document du 15 avril 2015- ont eux aussi émis des avis très réservés sur ce dispositif.
Dans ce contexte, nous sollicitons votre disposition pour une rencontre au cours de laquelle nous pourrions aborder plus en détail ces questions.
- Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’assurance de notre haute considération.
Jean-Claude BOUAL, président
Première rencontre à Bercy suite à ce courrier
Notes de la rencontre avec les cabinets de Mme PINVILLE et M. SAPIN le lundi 11 juillet 2016 à Bercy
Présents :
Pour le cabinet de Martine PINVILLE (Secrétaire d’Etat -auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique- chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire) : Eric DUPAS-LAIGO (conseiller chargé de l'économie sociale et solidaire et de la transmission des TPE) et Nadège BUQUET (conseillère en charge de l'économie sociale et solidaire)
Pour le cabinet de Michel SAPIN (MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS) : Florian GUYOT (conseiller micro-économie et politiques publiques) et Mathieu VANICATTE (conseiller financement de l'économie).
Pour le CAC : Jean-Claude BOUAL (président), Gabrielle GARRIGUE (Avenir Educs), Sylvère CALA (Avenir Educs), Eric DENOYELLE (Collectif pour une éthique en travail social), Isabelle BOYER (coordinatrice).
Contexte : Suite à notre courrier d’interpellation sur l’arrivée des Contrats à Impact Social (« CIS » qui, sont une déclinaison à la française des SIB-social impact bonds-) et de ses dangers et coût (Cf. à la fin), le cabinet de M. SAPIN a contacté le CAC pour proposer un rdv puis le cabinet de Mme PINVILL E (à la demande de M. MACRON dont le cabinet nous a adressé un courrier nous informant de la prise de contact) aussi et nous avons proposé un rdv commun.
Notes Isa à compléter/corriger : (texte en rouge qd mes notes étaient partielles "??" : j’ai donc soit supposé soit laissé à compléter)
Après un tour de table, Jean-Claude précise que les Contrats à Impact Social sont bien plus qu’une question de financement et que notre réflexion s’appuis sur l’étude de tous les SIB développés dans le monde (Royaume-Uni > Peterborough, Etats-Unis, Australie, Nouvelle Zélande, Belgique… cf la base de données d’Instiglio « social finance » ). Les rapports du HCVA et de l’OCDE ayant aussi émis de sérieuses réserves sur ces contrats. La littérature du MOUVES ou de l’Institut de l’entreprise ne sont pas des arguments suffisants…
Ces CIS rappellent les partenariats publics privés (PPP) -dont le Sénat dans un rapport du 16 juillet 2014, a souligné les dérives- et où en dernier ressort c’est bien la puissance publique qui paye.
On assiste là à la destruction du tissu associatif et donc a l’affaiblissement de la cohésion social dans une période où cela constitue un des derniers remparts à la montée du Front national. C’est une segmentation de la société et du secteur associatif.
Ces CIS posent aussi un problème d’éthique et du sens du travail social (Cf l’exemple de la Sauvegarde du Nord) au-delà même des coûts de rémunération des intermédiaires.
L’économie faisant partie de la société, ce qu’on y fait impact la société toute entière.
L’impression qui ressort au regard des 4 exemples donnés lors du lancement des CIS, c’est que le but de ces actions est le « business ».
Eric ajoute que ces exemples de CIS posent plusieurs questions quand aux enjeux annoncés dans cet appel à projet :
- celle de la limite dans le temps,
- d’une « vraie » innovation
- le fait de constituer une vraie avancée sociale > là c’est un point très important, car certains biais peuvent être dangereux pour les individus
Si on lit l’étude de terrain de la Sauvegarde du Nord
- le calcul du coût d’un placement est faussé : un enfant n’est pas forcément placé en foyer, il existe d’autres solutions / on n’y parle que d’’un placement « définitif » alors qu’en fait c’est rarement le cas
- on y voit une action rapide et renforcée d’une « brigade d’éducateurs » qui vont éviter le placement (et ses coûts) alors qu’un accompagnement des familles demande du temps,
- Où est l’innovation ? Ce travail d’accompagnement auprès de la famille prend le nom d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) qui existe et même de manière renforcée et pluridisciplinaire alors que la Sauvegarde n’envisage qu’une brigade d’éducateurs
- Ne pas oublier que le placement est un outil indispensable à la protection des enfants (ex. violences, inceste...) et de la famille elle-même, qui peut avoir besoin, à un moment donné, de passer le relais si elle est dépassée... faire des « économies » sur cet outil pose problème.
Gabrielle poursuit : ces CIS sont le symptôme d’une façon de faire qui interpelle :
1. Question de la délégation politique aux entreprises et secteurs financiers sur le « faire société ».
La politique doit rester l’outil des pouvoirs publics garants de l’éthique (Référence à des travaux québécois)
2. Attaque du pacte républicain : le fondement du travail social c’est de tendre vers plus d’égalité, ce qui n’est pas le but des entreprises ; le « WIN/WIN » on n’y croit pas…
Là le social est pensé à huis-clos par des gens formés au commerce !
Quand on a une réelle expérience du social, on ne peut que constater l’arrogance de ceux qui pensent le social sans les professionnels de ce secteur, c’est indigne. Les professionnels se coltinent la détresse des personnes, mais leur expérience n’est pas nécessaire …
Il est inadmissible de faire de l’argent sur le dos des enfants, de la misère, de la maltraitance… ; cela ne peut mener qu’à la violence !
Nous sommes inquiets du poids de personnes comme M. Borello, il est nécessaire de revenir au sens des choses.
Pour ces raisons nous sommes contents d’être reçu ce jour.
F. Guyot : veut toujours de la cohésion et respect ce que nous faisons et pensons.
Jean-Claude : nous ne venons pas en ennemis, et même si vous voulez de la cohésion ces propositions sont déconnectées de la réalité. Nous voulons vous alerter pour ne pas courir au pire.
E. Dupas-Laigo : le gouvernement a associé la société civile à la création de la loi ESS qui a permit la reconnaissance de dispositifs (comme la subvention) décorrélés des marchés publics. En parallèle il a renforcé les moyens financiers de l’ESS (qui passaient par les banques, les assurances vie…) notamment avec les fonds d’épargne salariaux ( ??). Y sont également développé des dispositifs sur l’investissement à plus long terme et l’innovation sociale… ???? plus un amorcement avec le financement de projets (avec les CIS) et non de fonctionnement.
Les 4 exemples cités sont juste un bout des CIS, avec des projets en réflexion depuis longtemps ( ??)
Le rapport de l’OCDE dit que c’est bien pour les activités nouvelles et innovantes mais que le montage est risqué, mais c’est le secteur financier qui prend ces risques. Bien si les activités ne sont ni financées par le marché ni par le secteur public (entièrement).
L’appel à projet est bien limité dans le temps, il permet d’avoir des dépenses en fonction de résultats posés à l’avance, ça repose sur un contrat d’objectifs : si ce contrat est atteint le secteur public rembourse le secteur privé ; sinon le secteur privé paye.
Le comité de sélection analyse les éléments des projets avec des réponses sur : l’innovation, le caractère ambitieux, les difficultés à financer.
Les CIS ne sont pas les SIB, ils n’ont pas comme critère de baisser les coûts, même si la Sauvegarde du Nord et les autres exemples ont fait leur « marchandising » dessus, ce n’est pas but.
Ce n’est pas dans la culture française de dire « une personne coûte tant » et donc on va baisser le coût, les CIS veulent juste mettre une évaluation « à priori ».
Eric : nous avons compris la doxa bien dite, mais l’exemple de Simplon.co sur la remise au travail par des formations courtes dans l’informatique de publics fragilisés ne tient pas compte des besoins réels des personnes qui ne sont pas que sur des compétences et savoir-faire professionnels ; les entreprises d’insertion proposent, elles, un double accompagnement : professionnel et personnel. Un tel projet, en en tenant pas compte des besoins réels, apporte une régression sur les acquis des secteurs de l’insertion !
E. Dupas-Laigo : dans le comité de sélection des CIS, les services de l’Etat sont là pour proposer des améliorations qualitatives sur les propositions faites ; dans ce cas d’accompagnement à l’emploi, il est important de se donner les moyens de vérifier après l’insertion réelle (2 à 3 ans après) avec des critères qui sont à définir (emploi ? Niveau de vie ??).
Gabrielle : l’exemple de la Sauvegarde du Nord a fait beaucoup « sourire » (avec amertume) les travailleurs sociaux : où est l’innovation hormis le montage financier ? L’AEMO renforcé existe depuis 1997 dans le Val d’Oise (où il a été un dispositif « innovant » alors) ; de plus le placement est important quand l’enfant est pris dans un conflit de loyauté trop grand pour lui. Le choix de cet exemple constitue une grande maladresse politique !
Jean-Claude : le MOUVES et l’institut de l’entreprise ont pesé sur ces choix
F. Guyot : l’Institut de l’entreprise n’est pas la référence
Sylvère : quand vous dite « si le projet ne marche pas », cela signifie quoi ? On est là dans le secteur social… quel est le « coût » social ?
E. Dupas-Laigo : que les objectifs assignés à cette action ne sont pas atteints ; cela n’implique pas un « échec »pour autant, juste que les objectifs ne sont pas atteints.
La compétence métier des projets est vérifiée par le ministère du travail social qui fait parti du comité ; l’instruction est menée par l’Etat, vous n’avez vu que la présentation simplifiée des projets, mais les projets constituent des dossiers de 50 pages que seul l’Etat connait et que vous n’avez pas put lire.
Gabrielle : nous avons beaucoup lu et vu sur ces projets, entendu des conférences… la protection de l’enfance est « régalienne » hors quand on interroge la direction de la cohésion sociale (l’intersyndicale, Avenir duc et la CATS ont rencontrés le 20/06/16 les cabinets de Mesdames Neuville et Touraine) on nous dit que les « CIS » sont rapatriés à Bercy !!
N. Buquet : l’appel à projet a été lancé le 15 mars 2016 et au 30 juin nous avons retenu des dossiers à co-monter dans un processus itératif, nous allons travailler ensemble sur les territoires et méthodes recommandées. Pour construire un CIS il y a des échanges, des conseils… un grand sérieux pour construire une expertise métier (rdv la semaine passée avec les 2 cabinets : celui de Neuville et et Touraine).
Eric : quand le G8 est présent en ligne de fond en termes d’idéologie, cela vient contrarier la réalité - ces 4 exemples n’ont pas de marge dans le temps (pour être évalués).
E. Dupas-Laigo : en Angleterre on cherche à montrer la supériorité du privé sur le public, ce n’est pas le cas en France, nous n’avons pas la même philosophie !
Eric : les exemples donnés ne sont pas innovants, ils sont même régressifs.
Dans le rapport d’Hughes Sibille, on va vers un délitement du tissu associatif, et on promeut le développement de cela avec des financeurs qui ont un poids encore plus importants !
La société sera tellement conditionnée qu’on ne verra plus émerger les besoins sociaux, c’est un changement de paradigme.
F. Guyot : à chaque opérateur des exemples cités, correspond bien une « association » qui porte le projet ? Mécaniquement, car ils travaillent déjà sur le terrain, ils ont une expérience.
Jean-Claude : il existe des faux-nez parmi les associations, qui ne sont là que pour faire du business en utilisant le statut associatif (SOS, la Sauvegarde du Nord…) il est important de voir leur réelle politique !
F. Guyot : ne parle-t-on ici que d’un projet : la Sauvegarde du Nord ? ou d’un processus ?
Jean-Claude : dans l’émission de France Culture à laquelle nous avons participé (émission Du grain à moudre sur France Culture : Les associations doivent-elles être rentables ? le 20/05/15) il était très clair que les cabinets d’audit y voit un véritable marché. Dans un an que va-t-il se passer ? Nous n’aurons pas toutes les données pour évaluer ces projets « expérimentaux »
E. Dupas-Laigo : l’expérience est lancée sur 10 pays au niveau communautaire, et tous ne sont pas sur le même modèle, nous avons besoin d’expériences concrètes.
Il ne faut pas se fier à la communication grand public des 4 projets résumé en 1 page, ce sont juste les illustrations d’une communication simplifiante.
Jean-Claude : il est alors nécessaire de prendre au moins de bons exemples ! La direction générale de la cohésion sociale ne les a pas réfutés…
N. Buquet : le comité comporte des spécialistes, on peut donc s’y remettre, il veille à la complémentarité des projets, on n’est pas dans la concurrence.
Les projets sont vus au cas par cas avec les cabinets experts dans le domaine concerné par le projet (éducation, insertion, …) qui sont garant de la pertinence.
F. Guyot : du point de vu du ministère des finances, on voit le secteur de l’ESS très actif et demandeurs de nouveaux canaux financiers, ces CIS sont donc une réponse.
Eric : l’ESS n’est pas unitaire, il comporte une ligne de fracture, comme dans les classes sociales, il existe des visions différentiées.
On y voit des nouveaux convertis (plus fondés sur des critères de rationalités, gouvernance…) qui sont parfois des acteurs dominants car ils ont la taille et l’écoute des puissants et qui ne sont pas forcément les plus représentatifs de l’ESS.
Nous ne sommes pas convaincus sur l’aspect « innovation sociale »
Gabrielle : si on sort de ces 4 projets, la question plus générale est celle de la place des bénévoles ?
Au-delà de l’aspect communication qui séduit, comment est-ce possible de dissocier à ce point ceux qui portent l’avenir du travail social de ceux qui le connaissent et le portent depuis des années ?
F. Guyot : sur la question des bénévoles, on valorise leur engagement au travers du « compte engagement citoyen » (mis en place dans la Loi travail).
Gabrielle : ce dont on parle là c’est de se faire de l’argent sur les bénévoles, surtout !
F. Guyot : le lien est trop rapide entre bénévole qui travaille et banque qui se rémunère.
Jean-Claude : d’accord sur des solutions telles que l’utilisation de fonds orphelins ( ??) mais là nous savons que Goldman Sachs est dans le coup également
F. Guyot : le logement social en France est bien financé par des placements générés par des prêts rémunérés ??… c’est bien plus flou dans la réalité !! Il n’y a pas d’un côté le bien = le travail social et de l’autre le mal = l’argent.
Jean-Claude : on ne peut ignorer le rôle des organismes financiers tels que Goldman Sachs dans la crise grecque.
Nous avons des doutes sur les projets mis en avant, sur l’évaluation et la capacité d’évaluation des cabinets d’Audit, n’oublions pas que KPMG (cabinet d'audit, de conseil et d’expertise comptable) est présent et que leur magouilles avec la FIFA est reconnut.
E. Dupas-Laigo : on donne de la légitimité aux financements sociaux pour permettre une amélioration sociale avec un rendement financier faible (l’objectif rejoint celui de l’épargne salarial) - les différents ministères mobilisent leur compétences métiers.
vous qui travaillez sur les projets des autres, du fait de votre connaissance vous devriez nous faire des propositions de projets
Gabrielle : sur le principe d’égalité, la meilleure chose à faire est que les entreprises payent leurs impôts à l’Etat qui lui décide de la répartition.
N’oublions pas que les travailleurs sociaux ne cessent d’innover au quotidien.
Sylvère : nous les travailleurs de terrain, ne nous sommes pas du tout senti écoutés (en parallèle, il y a la réforme des métiers du social pour laquelle ont été demandé l’avis de « certains » que pensait compétents sans que ce soit forcément la réalité).
On les mets là en concurrence au lieu d’être partenaire. Ce dispositif n’est pas adapté au travail de terrain (comme dans l’hébergement).
Jean-Claude : Il a y beaucoup d’exemples où le passage de la subvention à l’appel à projet, voir appel d’offre, a été une catastrophe (exemple à la Goutte d’or -75018).
Nous ne croyons pas à la philanthropie de certains…
Eric : de manière connexe, sur le sujet des bénévoles, beaucoup de clubs de prévention ont fermés faute de soutien public, mais parallèlement les pouvoir publics aident le soutien scolaire des bénévoles : on voit bien qu’une action ponctuelle (si elle est utile) n’a pas le même sens, pas même savoir-faire surtout si elle est déconnecté du reste. Les deux sont nécessaires, l’une ne remplace pas l’autre.
Craint que les CIS soient le paravent ciblé (chiffrable, mesurable) et qu’à côté on baisse tout le reste !
- Jean-Claude : le risque des CIS est de mesurer par le nombre, et segmenter par activité. Il faut plus de transférabilité !
F. Guyot : propose de se revoir dans l’année pour parler des CIS
Jean-Claude : il faut faire attention que le changement de SIB en CIS ne soit pas juste un changement de sémantique.
En résumé : le cabinet de Mme Pinville dit que l’objectif des CIS n’est pas de faire des économies dans le domaine social, ce n’est pas la culture française, (même si toute la littérature autour contredit cela y compris les 4 projets mis en avant).
Il se veut rassurant sur le cadre et le comité des CIS qui consulte les ministères qui ont les compétences métiers et vont faire des propositions/améliorations aux projets qu’ils vont accompagner.
Pas de réponse sur les coûts supplémentaires des intermédiaires, juste une précision sur le « rendement financier faible».
Ces CIS sont une réponse à la demande d’acteurs « actifs » de l’ESS qui veulent de nouveaux canaux financiers.
Globalement (de mon point de vue) l’ambiance était à l’écoute sans position méprisante, nos arguments ont été entendus (pas forcément compris) et la conclusion a ouvert sur la proposition de continuer la discussion. Nos arguments serviront au moins à affiner leur communication sur le sujet !
2de rencontre en 2017
Présents :
Pour le cabinet de Martine PINVILLE (Secrétaire d’Etat -auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique- chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire) : Eric DUPAS-LAIGO (conseiller chargé de l'économie sociale et solidaire et de la transmission des TPE) et Nadège BUQUET (conseillère en charge de l'économie sociale et solidaire)
Pour le cabinet de Michel SAPIN (MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS) : Mathieu VANICATTE (conseiller financement de l'économie).
Pour le CAC : Jean-Claude BOUAL (président), Eric DENOYELLE (Collectif pour une éthique en travail social), Isabelle BOYER (coordinatrice), Mehdi OUREZIFI (stagiaire).
Contexte : Suite à notre première rencontre du 11/7/2016 [provoquée par notre courrier d’interpellation sur l’arrivée des Contrats à Impact Social (« CIS » qui, sont une déclinaison à la française des SIB-social impact bonds-) et de ses dangers et coût] qui ouvrait sur une éventuelle autre rencontre, nous avons demandé aux personnes rencontrées de nous transmettre, si ce n’est les contrats au moins plus de détails sur les 2 premiers CIS signés en novembre 2016. Ce rdv nous a alors été proposé.
Notes Mehdi + Isa à compléter/corriger : (texte en rouge qd notes étaient partielles : soit supposé soit laissé à compléter)
Jean Claude introduit l’objet de cette réunion : la volonté du CAC de pouvoir consulter les contrats qui ont pu être signés, sans avoir d’informations tronquées ou partielles. Si nous avons vu que ces contrats se différentiaient de la version anglo-saxonne dans leur présentation, nous manquons d’éléments ; de plus nous aurons bientôt un nouveau gouvernement et nous ne savons pas quel sera sa position vis-à-vis des CIS. Plusieurs questions s’additionnent à cette demande : Combien y-a-t-il eu de candidatures au final ? Seulement dans le secteur social ? Quelles suites à ces contrats, sur quoi portent les prochaines signatures ?
Eric Dupas-Laigo explique alors (après nous avoir annoncé puis remis des « petits dossiers » qui sont en fait le dossier de communication de novembre !) que le respect de la clause de confidentialité les oblige à ne divulguer aucune information à propos de leur signature. Cependant, la structure juridique des contrats et l’essentiel des accords seront rendus public d’ici quelque mois, avant le 15 mai. De plus, les signataires se verront proposer de rendre public les contrats, dans un souci de transparence de la part des pouvoir publics. Cette proposition pourra être refusée par les signataires. Le ministère fera un rapport sur les aspects positifs et négatifs de l’appel à projet.
Le ministère dénombre 40 à 50 candidatures dans le champ de « l’innovation sociale », mais beaucoup de ces projets ne couvraient pas la définition « d’innovation sociale » ou sont juste des changements d’échelle et ont donc été refusés après instruction (le dernier comité n’a d’ailleurs signé aucun nouveau CIS).
Cette définition, questionnée par le CAC, est selon M. Dupas-Laigo et Mme. Buquet basée notamment sur la méthode d’intervention des acteurs sociaux avec, par exemple, un accent mis sur les projets proposant une intervention à domicile, dans le cas de l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Économique), des porteurs de projet isolés en milieu rural. Sur le secteur « social » ce ministère n’est pas compétent, c’est le ministère de référence (ministère « métier ») qui sait s’il existe de tels dispositifs, avec une telle démarche et si elle est vraiment innovante et si cet axe est prioritaire et non encore exploré.
Ce dispositif est « complémentaire », il finance ceux qui n’ont pas d’autres modèles de financements prêts à les soutenir.
Face à l’objection de Jean Claude, qui expliquait que cette notion « d’innovation sociale » devait être discutée avec les directions compétentes, il fallait un accès aux contrats pour comprendre et se préparer car si les candidats à la présidentielle n’ont pas exprimé d’avis sur ces CIS, on voit bien que les enjeux de la protection sociale sont largement remis en question dans la campagne… les conseillers ont une nouvelle fois rétorqué que la clause de confidentialité les obligeait au silence, mais que le CAC pouvait aller voir la DGPR au service environnement. Cette direction est directement concernée par la notion d’innovation et par l’un des CIS.
Nadège Buquet note que nos questions posées pour avoir des éléments plus pertinents sont aussi celles que les journalistes leur posent régulièrement, mais que si le CIS avec l’ADIE, par exemple, ne peut être dévoilé dans ses détails, l’ADIE est, elle, une structure connue (existant depuis 1989) qui adopte là une méthode d’intervention innovante.
Sur la prochaine séance de signature (la dernière) : elle se fera avec la sauvegarde du Nord, Passeport Avenir et Apprentis d’Auteuil avant le 15 mai.
D’après Mme. Buquet, ces contrats sont en réalité signés pour permettre aux acteurs sociaux d’acquérir des compétences, s’acculturer à une certaine forme d’intervention et de travail « ensemble » (opérateur, collectivités, bailleurs). Ils ont pour but de créer une dynamique, un effet d’entrainement en offrant un cadre juridique rassurant pour les collectivités, montrant ainsi que « c’est possible ».
S’en suivent discussion sur Impact Académie (une des 2 associations concernée par la signature d’un CIS), sur le fait que l’évaluation des CIS, de action complète du projet (dans 4 ans, voir 6 pour l’ADIE), se fera après la signature de plusieurs nouveaux contrats d’ici 2021, ce qui n’a pas de sens. C’est comme si on expérimentait le lancement d’une fusée, puis on ferait l’évaluation uniquement de la rampe de lancement avant de lancer de nouvelles fusées (sans se soucier de voir où est rendue la 1ère fusée) ! Là on passe de l’expérimentation à la massification.
Cette évaluation est intégrée au coût du CIS lui-même. De plus, les économies de dépenses ne seront pas évaluées, contrairement aux SIB anglo-saxons. Nous garantissons l’expérimentation avec l’élaboration d’une méthode, sans savoir si dans 6 mois cela repris par la communauté (nous ne serons plus là). Sur la référence aux partenariats publics-privés (PPP), il est bien précisé que ce sont des montants globaux qui sont arrêtés, il n’y a aucun risque d’emprunts toxique, pas d’avenants possible avec les signatures tripartites réalisées. Par contre si des PPP veulent être réalisés, rien ne les en empêche !
Le CAC aimerait savoir ce qui se passe pour les bénéficiaires au-delà du processus.
Discussion entre Eric et les conseillers, sur l’évaluation notamment (en référence aux objectifs de création d’entreprise très ambitieux du programme d’Impact académie : 60%, voire irréaliste c’est de l’excellence ou de l’utopie ? et cela questionne sur le public), puis sur le financement de l’action sociale.
Discours rassurant sur Impact académie, car le projet cible des primo accédant sans ressource suffisante qui sont orientés vers des équipes d’expérience dans la création de franchise et là ce ne sont pas des franchises d’entrée de gamme mais de beaux commerces qui sont visés pour donner une image positive des quartiers. Eric note que les expériences menées dans les quartiers ont été très décevantes sur la mobilisation locale (en termes de création d’emploi, de contact avec le public…) à quoi il est répondu que là l’expérience est sur un segment particulier, il ne faut pas confondre avec des choses différentes, mais en même temps s’ils ont pris des engagements qu’ils ne peuvent tenir, c’est leur problème !
M. Vanicatte rappelle que le gouvernement est un fervent défenseur des associations et acteurs de terrain (avec les CICE…).
Eric revient sur le projet de la Sauvegarde du Nord qui propose le renforcement des équipes d’AEMO (Action éducative en milieu ouvert) dans les familles afin d’éviter le placement des enfants, alors que l’expérience de terrain montre que ce renforcement n’a de sens que s’il s’agit d’une équipe pluridisciplinaire.
JC tente d’avoir une date précise pour la restitution publique du rapport, mais sans résultat. Eric dit nos craintes de ne pas avoir de réels résultats en conclusion, qu’un avis positif soit porté sur ces CIS avant d’en voir les réels résultats, sans permettre le principe de lucidité pour dire « non, la démarche n’est pas bonne » si cela ne marche pas.
Mme. Buquet précise clairement que les CIS peuvent exister dès maintenant, que cet appel à projet n’y change rien ; les 2 premiers CIS signés par l’Etat sont juste rassurant pour les collectivités. Son collègue précise que certains pays sont revenus des Social Impact Bonds (SIB) et s’orientent vers les CIS (contrats à impact social)… leurs expériences avaient déjà bien balisé les problèmes des SIB.
A la crainte explicite de JC de ne pas inciter au désengagement des collectivités auprès des associations, il est répondu que ces CIS ne sont pas substitutifs, ils ne concernent que le champ de l’innovation sociale et que là où il n’y a pas de financements ; ces critères sont clairs et seront redit.
Eric pointe les effets induits, même s’ils ne sont pas voulus : sur certains départements 15 à 20 équipes de prévention ont été supprimées… a un moment donné la collectivité risque de choisir une actions ciblée sur la prévention scolaire par exemple, plutôt qu’un club de prévention qui a un positionnement global… servant de cache misère pour certaines collectivités.
JCB a parlé d’associations qui évoluent, ne sont pas figées…nous sommes sur un débat dans le temps et nous nous penchons sur les rapports entre associations et collectivités… la restons dans le « flou » et donc nous imaginons les dérives possibles…
En résumé : Sous couvert de « clause de confidentialité » aucune information ne nous a été donnée sur les 2 seuls CIS déjà signés (objet de notre demande). Le cabinet de Mme Pinville continue de dire que l’objectif des CIS n’est pas de faire des économies dans le domaine social, ce ne sera d’ailleurs pas un critère d’évaluation.
On comprend que l’objet de l’évaluation dans le cadre cette « expérimentation » (en mai) ne sont pas les projets (c’est sur 4 à 6 ans que les engagements sont pris), mais le cadre de l’appel à projet, sa méthode et le mode de contractualisation.