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QUEL MONDE ASSO DEMAIN ? Présentation du livre collectif + retour du grand témoin

A lire très bientôt.... !


La synthèse de présentation du livre "Quel Monde associatif demain ?" par Marie-Catherine Henry

Document à télécharger ICI : 2022_mai__prsentation_synthtique_du_livre_MC_Henry.pdf (0.6MB)

Retour du grand témoin Stéphane Guérard du journal l'Huma

Merci de m’accepter parmi vous en tant qu’étranger. Je vais vous expliquer pourquoi le CAC m’a invité. Mon journal s’appelle l’Humanité, vous voyez bien l’imaginaire qu’il y a derrière et les casseroles peut-être aussi et puis le projet politique qui je l’espère est devant nous. Dans ce journal, pendant longtemps, nous nous disions : qu’est-ce que c’est que ce milieu associatif qui accompagne le pouvoir dominant comme une sorte de pansement à tous les fléaux sociaux ? Nous n’aimions pas cela puis il y a eu un moment de bascule avec la lutte des Fralib. Dans la tête des lecteurs que je représente des choses se sont bousculées en observant ces salariés d’Unilever s’auto-organiser, créer en quatre an une scoop qui désormais fonctionne bon gré, mal gré. Tiens des salariés qui prennent en main leur entreprise ? C’est une révolution culturelle pour un journal qui garde la vision d’opposition salarié-patronat. Nous nous sommes alors dit qu’il y avait peut-être quelque chose à aller voir du côté de ce qui commençait à s’appeler l’économie sociale et solidaire. On va aller voir et raconter à nos lecteurs ce qu’il s’y passe et nous avons créer une offre éditoriale sur ces sujets.

Je suis arrivé à ce moment là au journal, rejeton de militants associatifs, issu d’une famille où mon père travaillait dans les mouvements de jeunesse et notamment dans les foyers de jeunes travailleurs et ma mère auprès des vieux en tant qu’aide à domicile. On m’a filé le sujet en me disant débrouille toi avec cela et nous y sommes allés et avons défriché le sujet avec des articles très thématisés selon l’actualité de l’économie sociale et solidaire. En nous demandant à chaque fois : qu’est-ce que c’est que ce machin là. Nous avions donc lancé cette offre en 2014 avec Jean-Philippe Milési. Cela s’est aussi concrétisé à la fête de l’Humanité par un village de l’économie sociale et solidaire. J’ai donc navigué la dedans pendant 7 ans pour essayer de décrire cette économie sociale et solidaire ; je suis aujourd’hui bien incapable de dire ce que c’est au bout de sept ans mais ce que je sais c’est qu’il y a un bouillonnement intéressant. Je vous remercie d’exister le CAC et puis vous tous car sans vous je n’aurais pas pu faire les articles que j’ai fait. Vous m’avez permis de porter dans mes articles une critique de l’économie sociale et solidaire car vous êtes à la pointe de cette critique là, il faut que vous en preniez conscience. Vous n’êtes pas très nombreux. Le monde associatif a été institutionnellement et économiquement tiré vers Bercy notamment sous Hollande. L’économie sociale et solidaire est devenue l’entrepreneuriat social, les trucs à impact et que sais-je. Grace à vous, j’ai pu apporté à mes lecteurs un point de vue critique sur ces évolutions là. Je me souviens d’un supplément titré l’économie sociale est-elle has been ? Je répondais oui et vous êtes dedans, désolé de vous le dire. Du point de vue institutionnel, du point de vue du pouvoir politique et économique dominant, vous êtes des has been. On essaye de vous mettre de côté et de vous faire porter tout ce qui est l’accompagnement social du capitalisme.

C’était ce que j’écrivais il y a deux ans. Ce matin, je vous ai écouté et je voulais commencer avec un nuage de mots que vous avez utilisé dans ces plénières sur les vecteurs d’affaiblissement et de renforcement du monde associatif. Il en ressort quelque chose de très positif, il a été question de reprendre en main votre vocabulaire et d’en faire un vocabulaire commun. Je pense que vous êtes sur la bonne voie parce que s’il y a deux, trois, quatre ans vous étiez perméables au vocabulaire dominant comme par exemple « porteur de projet » qui signifie que vous n’êtes que les techniciens de l’accompagnement, de l’entrepreneuriat social et que vous n’avez pas de vocation politique, ou encore « plaidoyer » qui pour moi vient du côté de l’idéologie dominante parce que je le retrouve aussi du côté de la cop 21 avec des ONG de droite qui accompagnent le système qui estime qu’à partir de solutions techniques et économiques on va pouvoir changer le monde sans remettre en cause le fondement même de ce monde. J’ai entendu « levier », « impact », « mesure d’impact », « innovation », « entrepreneuriat social », « concurrence » vous avez cité tous ces mots mais à votre sauce, vous vous les êtes réapproprier soit pour les rejeter soit pour y mettre une signification qui n’est pas celle qui lui a été donné depuis une dizaine d’années. Ce ne sont pas les mots les plus nombreux que vous avez utilisé, en revanche vous avez utilisé beaucoup de mots à vous que je n’entendais pas beaucoup lorsque j’étais journaliste spécialisé dans l’économie sociale et solidaire autrement que par les représentants du CAC, je vous retrouve donc mais là c’est vraiment très prégnant. Se définir comme mouvement social, je l’ai entendu revendiqué par beaucoup d’entre vous. Le commun, la start-up nation de Macron a essayé de récupéré cette idée de communs mais il n’a pas réussi. Coopération, alors qu’il y a 5 ou 6 ans on était dans l’économie collaborative. J’aime bien le mot bricolage que vous avez utilisé régulièrement, vous êtes un mouvement du bricolage mais forcement puisque vous partez des besoins, des envies de chacun. Solidarité, valorisation, partenariat font partis des mots retournés. Mutualisation, initiative, citoyenneté, aussi. Vous parlez aussi de mouvement, de dynamique que je n’entendais pas il y a quelques années. J’ai aussi beaucoup entendu le mot histoire.

Avec tout cela, je pars beaucoup plus positif que je ne suis venu. J’observe aussi que le contexte évolue autour de vous, autant il était assez désespérant il y a trois-quatre ans, mais l’ESS évolue beaucoup. Je ne sais pas si vous avez participé au grand oral mené par le Mouvement associatif avec les différents candidats. J’étais assez étonné, ce Mouvement associatif semblait être un ventre mou mais il a beaucoup changé notamment avec Philippe Jahshan, qui a essayé de politiser ce gros machin qui coalise toutes les familles associatives. Ce n’est pas simple. Lors du grand oral, le mouvement a notamment interpellé les candidats sur le CER en demandant son abrogation, il y a là une réappropriation politique de ce mouvement. Le Mouvement n’a pas invité l’extrême droite, c’est rassurant, cela aurait été scandaleux qu’il le fasse mais en revanche vous avez eu pour représenter Emmanuel Macron, l’ancien ministre de l’Intérieur Castaner donc cela préfigure si Macron passe ce que vous allez avoir face à vous pendant cinq ans en terme de libertés associatives, de marchandisation…

Côté scoop, cela bouge aussi, je ne sais pas si vous avez vu, il y a eu deux affaires sociales : SMART, la coopérative d’activité et d’emploi qui pèse très lourd en Belgique et qui vire ses salariés sans aucune indemnités et les salariés, qui sont en même temps sociétaires, qui mènent une bataille pour que les pouvoirs publics abondent le plan social mais pour l’instant n’obtiennent rien. Alors que l’on découvre que les dirigeants de SMART ont des rémunérations incroyablement hautes par rapport à ce qu’ils devraient être dans le mouvement coopératif. Cela remue. Il y a aussi Scopelec qui a lancé un plan social aussi.
Côté ESS France aussi cela bouge même si c’est un gros gloubi boulga qui doit fédérer toute l’économie sociale et solidaire y compris les entrepreneurs sociaux mais il y a un président Jérôme Sallier qui essaye de refaire de l’ESS un mouvement politique. On renverse la tendance par rapport à ce que nous observions ces derniers temps.

Le contexte change donc et si Macron passe, on voit ce que vous allez avoir pendant cinq ans, s’il vous délègue Castaner. Lors de la dernière fête de l’Huma, la LDH proposait un débat sur les libertés associatives où le CAC était intervenu. L’avocat Arié Halimi était intervenu en disant, l’associationnisme est le cœur du projet démocratique, or la démocratie et l’idéologie actuelle dominante ne vont pas de soi, donc forcément vous allez vous prendre de la répression puisque vous faites peur. L’association est également le lieu de l’engagement, c’est là où cela se passe, peut-être plus encore aujourd’hui qu’avant, vous êtes aussi le lieu de l’éducation populaire, cela infuse, vous avez parlé de rhizome, vous êtes aussi le lieu du temps long et cela fait peur à tout ceux qui essaye de vous contrôler. Vous avez donc matière à être résolument optimiste, en tous les cas je suis optimiste pour vous !

Dernière petite digression, je fais partie de ceux qui communique, j’ai entendu certains dirent : les médias ont les chasse. Je fais partie des médias et je pense que si vous n’utilisez pas les médias, vous ne gagnerez pas la guerre politique, la bataille politique dans laquelle vous êtes engagés.

Ne vous faites pas des nœuds dans le cerveau, ce que vous faites, c’est vachement bien. Vous êtes une porte vers un imaginaire, en même temps vos actions sont concrètes mais portent un imaginaires incroyables. Vous avez la dynamique derrière vous donc prenez confiance et on y va !